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Le 25 mai Lucien Léger, « l'étrangleur » s'attribuera un meurtre !

 Lucien Léger

Lucien Léger

Magasinier chez les éditions Denoël, que s'est-il donc passé dans la tête de Lucien LEGER pour qu'il en arrive soudain à devenir cet "étrangleur" que tout le pays s'était mis à redouter au début des années soixante ? Etait-ce la santé défaillante de Solange son épouse, souvent internée, qui l'avait incité à changer d'orientation professionnelle et à devenir infirmier au sein d'un hôpital psychiatrique pour qu'il soit mieux en mesure de comprendre ce qu'elle traversait ou tout à fait autre chose ? Ou, qui sait, peut-être bien et plus sûrement l'envie que l'on parle de lui.

Il avait été surnommé l'étrangleur à la suite des signatures apposées sur chacune des missives qu'il avait adressées à la Police et à la presse. Cinquante-six lettres très exactement pour revendiquer l'enlèvement et le meurtre d'un garçonnet, le petit Luc TARON, et pour s'accuser d'autres crimes - imaginaires, ceux-là - se délectant à l'avance des frissons qu'il fera naître. Après avoir été appréhendé, les enquêteurs retrouveront chez lui le manuscrit d'un polar qu'il avait commencé à écrire et qui était intitulé : Journal d'un assassin. Aussi narcissique que certains autres auteurs de faits restés célèbres, Lucien LEGER semble encore aujourd'hui avoir été un affabulateur qui rêvait surtout d'un tout autre destin et de plus de reconnaissance. Fils d'un modeste tourneur sur métaux ardennais, son père était surnommé "le Niais". Elevé dans une famille très modeste de sept enfants en banlieue parisienne, lui qui rêvait d'être médecin aura dû finalement se contenter d'une place d'infirmier à l'hôpital psychiatrique de Villejuif après cependant un court job dans une maison d'édition. A l'école, le jeune Lucien laisse le souvenir d'un garçon que l'on n'a jamais vu sourire sauf lors de son arrestation (en tête d'article) et lors de son service militaire en Algérie, il sera le témoin d'atrocités qui le révolteront. Curieusement et avant qu'il en commette lui-même même en se faisant passer pour celui qui les avait commises. Mais LEGER n'aura pas la chance d'un autre tueur d'enfants, le dénommé Patrick HENRY, puisque condamné à la perpétuité, il mourra en 2008 après avoir été libéré trois ans plus tôt au terme de 41 ans d'enfermement.

Lucien Léger, « l'étrangleur »

Le 25 mai 1964, c'est au petit Luc TARON (ci-contre), un gamin de onze ans, que LEGER s'en était pris. Les parents d'abord persuadés que leur fils avait fait une fugue à la suite d'une fâcherie ne préviendront pas la Police. Seulement, deux jours plus tard, le corps de Luc sera retrouvé par un promeneur dans les bois de Verrières-le-Buisson dans l'Essonne, mutilé et étranglé. Il sera longtemps démontré que l'auteur des faits aurait étouffé le petit Luc, non par pulsion, mais par calcul et à des fins tristement médiatiques, pour échapper à la médiocrité de son existence puisqu'au moment de l'affaire il logeait dans une chambre d'hôtel. Un crime que LEGER n'aurait finalement pas commis. Inutile de dire que le commissaire SANSON chargé de l'enquête aura bien du mal à cerner le profil du ravisseur tueur d'enfants. Les parents de Luc seront eux-mêmes entendus. Le 29 mai, quatre jours plus tard, un mot sera retrouvé sous l'essuie-glace d'une voiture en stationnement rue Marignan à Paris, donnant des détails sur les vêtements que portait l'enfant, mot que l'on apportera à la police. Il faudra qu'un homme se présente un jour dans un commissariat pour que les enquêteurs avancent. Le plaignant se serait fait voler sa 2 CV, mais le luxe de détails qu'il donnera finira par le perdre. A plus forte raison après être retourné voir la police quatre jours plus tard et en racontant cette fois-ci que c'était le fameux Etrangleur qui lui avait indiqué par téléphone où retrouver sa voiture qu'il avait empruntée pour tuer un truand à Pigalle. Une histoire à dormir debout qui incitera les enquêteurs à regarder d'un peu plus près ce Lucien LEGER qui insistait alors pour les aider et dont l'écriture ressemblait à s'y méprendre à celle de l'auteur des missives signées l'Etrangleur, d'autant qu'en ce début du mois de juillet 1964, aucun cadavre de truand tué à Pigalle n'avait été retrouvé. Pour LEGER, cet acharnement sera visiblement de trop et une perquisition dans sa chambrette permettra aux enquêteurs de retrouver un papier semblable aux lettres de l'étrangleur, ainsi que le fameux manuscrit qu'il était en train d'écrire. Un document qui ferait même froid dans le dos car on y trouvait un style inquiétant du genre : « J'avance dans la rue après avoir tué le plus seul des innocents passants. Je suis de la graine qui pousse au printemps des monstres ».  

LEGER aura beau se rétracter après avoir avoué, il ne sera pas davantage cru par son propre défenseur, Maître Albert NAUD qui avait pourtant défendu Pierre LAVAL en 1945 et qui était l'un des partisans de l'abrogation de la peine de mort. Pas plus qu'il ne l'avait été par son tout premier avocat Maître Maurice GARCON. Lors de son procès en mai 1966, il échappera du reste de peu à un lynchage. Pourtant, ce petit homme vêtu d'un costume d'alpaga gris n'avait rien d'un foudre de guerre et lorsque qu'il apparaîtra devant les assises de Seine-et-Oise, à Versailles, les jurés se demanderont comment cet homme avait pu faire trembler la France, quarante jours durant. A la barre, les experts psychiatres insisteront sur les frustrations intellectuelles et affectives de l'accusé, évoquant ce qui l'aura poussé à commettre soudain "un acte exceptionnel" pour prendre de l'envergure. La première expertise soulèvera la possibilité que cet infirmier se soit trouvé dans un "état crépusculaire" au moment où il avait étouffé l'enfant. LEGER fera d'ailleurs état de pertes de connaissance, et son cerveau présentait certaines anomalies détectées lors d'examens radiologiques. Toute l'existence de LEGER est du reste marquée d'une sorte de malédiction et une seule alternative lui sera offerte au terme de débats passionnés : soit l'asile ou la mort si une peine capitale était requise. Maître NAUD n'aura pas la partie facile. « J'ai l'impression, dira t-il, d'être inutile pour la première fois de ma carrière, confessera t-il. Je cherche l'homme mais il se cache toujours derrière le personnage ». Yves TARON, le père du petit Luc qui a fondé la Ligue nationale contre le crime et qui était pour l'application de la peine de mort, avait affirmé en 1980 qu'il tuerait LEGER, « mais pas tout de suite, précisera t-il, juste le temps de lui faire éprouver l'angoisse que ma femme et moi avons connue ».

1966... Lucien Léger, l'étrangleur

Deux requêtes en révision seront déposées après sa rétractation, trois recours en grâce et quatorze demandes de libération conditionnelle formulés par les défenseurs successifs de Lucien LEGER. En vain. En 1974, le condamné se montrera plus précis pour étayer sa requête en révision et accusera un certain Georges-Henri MOLINARO et un dénommé Jacques SALCE d'avoir kidnappé l'enfant en raison d'un conflit financier avec le père, Yves TARON. MOLINARO aurait été un ancien de la DST, et l'enfant tué par erreur. Par ailleurs Solange, l'épouse de Lucien LEGER, serait décédée dans d'étranges circonstances menacée par Jacques SALCE. Mais la requête en révision sera rejetéeLe prisonnier qui avait purgé quarante-et-une années de détention devra donc attendre 2005 pour enfin retrouver la liberté alors qu'il se trouvait incarcéré à Tours. Il avait auparavant été incarcéré dans une quinzaine d'établissements pénitentiaires dont la prison de Bapaume, dans le Pas-de-Calais. Solange, sa femme, décédera en 1970 sans qu'il obtienne le droit d'assister à son enterrement. Devenu un détenu modèle, Lucien LEGER aura étudié le droit et la philosophie en prison et les expertises psychiatriques lui étant favorables, le risque de récidive s'était d'après elles retrouvé minime. Il reconnaîtra s'en être sorti mentalement à sa libération grâce à la résilience, toujours aussi peu avare de confessions extraordinaires. Philippe JAENADA qui publiera après sa disparition Le printemps des monstres, un ouvrage dans lequel il revient sur ce monstrueux assassinat estime aujourd'hui que Lucien LEGER ne serait effectivement pas l'auteur du crime. LEGER avait seulement envie de se faire arrêter et que l'on parle de l'homme un peu dérangé qu'il était et que l'on trouvait même ennuyeux.

Au fil du temps, Lucien LEGER a vu des assassins d'enfant entrer et ressortir de prison après une vingtaine d'années de détention mais cela ne l'a pas pour autant anéanti. Il faut aussi reconnaître qu'au moment de sa libération on était en pleine psychose sur la responsabilité des magistrats, et que l'ambiance n'était pas franchement propice à l'élargissement d'une figure de l'histoire du crime, malgré les doutes qui continuent à courir sur les agissements de l'intéressé. Le corps de Lucien LEGER sera retrouvé sans vie le 18 juillet 2008 à son domicile de Laon. Les policiers s'orienteront vers la piste d'une mort naturelle n'ayant trouvé apparemment aucune trace de coup ou autre chose laissant penser à une autre cause de décès.

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