Pierre Poujade... Quand il fédérait les commerçants et artisans en 1956
Marqué par les qualités d'un véritable tribun comme l'avait été Jacques DORIOT, Pierre POUJADE était lui aussi un orateur exceptionnel qui disposait d'un bagout extraordinaire. Avant d'entrer dans la Résistance en 1943, après avoir abandonné son envie de devenir architecte, il avait d'ailleurs milité un temps au Parti Populaire Français, ce qui l'avait ensuite mené dans les rangs de la collaboration. De ce DORIOT qui avait été un ancien communiste, POUJADE tenait effectivement un certain style, parlant volontiers en chemise et sans cravate, les deux mains agrippées à la tribune, comme pour mieux convaincre ceux auxquels il s'adressait.
Né en 1920 dans le Lot au sein d'une famille de sept enfants, contraint de mettre un terme à ses études au collège Saint-Eugène d'Aurillac au décès de son père en 1936, il exercera divers métiers avant que survienne la guerre et qu'il devienne chef d'un groupe au sein des Compagnons de France, une structure qui était au départ d'obédience pétainiste. Un engagement qui le verra curieusement bifurquer pour devenir ensuite résistant, mais sans que ses concepts vichystes ne changent. D'abord représentant en livres religieux, il réalisera le rêve de beaucoup de gens appartenant aux classes moyennes qui rêvaient de se mettre à leur compte. Il trouvera d'ailleurs très vite à exploiter une librairie-papeterie devenant même conseiller municipal à Saint-Céré où il avait grandi. Seulement, la situation de pénurie de la guerre et de l'après-guerre, qui avait maintenu la prospérité des petits producteurs et commerçants, disparaissant avec les premiers effets de la croissance économique, de nombreuses petites entreprises commerciales, artisanales, et bientôt agricoles, se trouveront face à des difficultés grandissantes. Une époque qui sera celle des rancoeurs !
En juillet 1953, Pierre POUJADE, s'engagera donc dans une lutte défendant les "petits" contre un Etat devenu un Etat vampire qui spoliait les plus faibles. en prenant la tête d’un groupe d'une vingtaine de commerçants et en expulsant manu militari des fonctionnaires venus procéder à un contrôle fiscal chez l'un de ceux-ci. Il contribuera à la création d'un mouvement politique ancré à l’extrême-droite – Jean-Marie LE PEN y fera même ses classes de député en 1956 avant de se brouiller avec lui six mois plus tard –. Le seul objectif poursuivi était de faire valoir les intérêts des artisans et des commerçants. Le mouvement connaîtra d’importants succès électoraux jusqu’en 1958. A partir d'une première opération d'envergure organisée à Saint-Céré suivront dans d'autres départements une soixantaine de manifestations identiques rassemblant surtout des commerçants inquiétés. En homme prêt à s'investir et à défendre la liberté d'entreprendre, Pierre POUJADE arrivera vite à incarner le ras-le-bol de toute une corporation. Certaines de ses thèses ayant été jugées extrémistes, l'homme se défendra d'être raciste, se définissant surtout comme un patriote. On essaiera d'ailleurs de lui reprocher un antisémitisme parce qu'il s'en était pris à MENDES-FRANCE qui dirigeait le pays. C'est, paradoxalement, une amnistie fiscale décrétée par Antoine PINAY en 1952 qui avait provoqué cette levée de boucliers des petits commerçants. Désoeuvrés, les polyvalents, comme on les appelait alors, concentreront leur zèle sur des proies comme les petits commerces qui étaient alors confrontés à l'éclosion des premiers drugstores et autres Prisunic.
En 1956, lors d'élections législatives, s'appuyant sur une communication de proximité semble-t-il assez efficace qu'illustre l'affiche ci-dessus, son mouvement parviendra à obtenir les suffrages de 2,5 millions d'électeurs. On peut même dire que son mouvement violemment antiparlementaire aura fait trembler la IVème République. Le 12 janvier 1956, c'est aux cris de « Sortez les sortants », que 52 députés poujadistes feront leur entrée à l'Assemblée. Volontiers démagogues, les engagements de Pierre POUJADE, parfois teintés on l'a vu d'antisémitisme, lui vaudront de s'opposer vivement à Pierre MENDES-FRANCE. Partisan d'une Algérie française, le discours de son mouvement s'étant radicalisé au nom d'un corporatisme réactionnaire, sa haine des « métèques » et des juifs s'y retrouvera de plus en plus fréquemment. Mais à partir de 1957, le mouvement poujadiste subira la perte de plusieurs adhérents sans doute sensibles aux positions de plus en plus teintées d'extrémisme.
En 1958, lors de l'arrivée à la Présidence de Charles de GAULLE, le Poujadisme s'éteindra malgré de nouveaux mandats, les derniers, confiés à Pierre POUJADE. Un homme qui s'était sans doute vu à la tête d'un grand ministère des commerçants et qui devra déchanter. Comme le dira un média le Poujadisme sera finalement l'histoire pleine de saveur d'un fort en gueule dans lequel bien des Français s'étaient un temps reconnus. POUJADE restera à la tête de son mouvement jusqu'en 1983.
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