Pauline Dubuisson, était-ce une femme libre ou une putain ?
Vous avez sans doute vu le téléfilm qui a été consacré à son histoire sur France Télévision mais c'est vrai que Pauline DUBUISSON est une femme à propos de laquelle on aura beaucoup écrit. Beaucoup écrit et beaucoup tourné aussi puisque sur le grand écran, c'est notre Brigitte BARDOT qui fera revivre son histoire dès la sortie de prison de celle-ci en 1961. Ce qui est certain, c'est que ce personnage n'aura guère suscité d'empathie et que la presse n'aura aucun égard pour cette jeune femme, ancienne infirmière à la Croix Rouge, qui sera présentée comme un « ange du mal », voire une « mortelle séductrice »… Pauline DUBUISSON y sera décrite comme une femme fatale, une petite putain, une dévoyée, une garce ravageuse, perverse, menteuse et manipulatrice, une femme vénéneuse qui menait les hommes à leur perte. Avait-on eu envie d'en faire un monstre afin, comme dira Fabrice DROUELLE, chroniqueur sur France Inter, de l'exclure de la communauté des hommes pour sauver l'humanité ? Qui sait.
Il est vrai qu'au moment de son procès en 1953 et de sa condamnation, Pauline représentait une sorte de femme libre. Agée de 26 ans, elle subissait pourtant pour la deuxième fois les affres d'un jugement puisqu'à la Libération l'adolescente avait dû déjà subir la vindicte populaire pour avoir couché en 1944 avec l'occupant nazi, un certain colonel von DOMINIK de la Wehrmacht, âgé de 55 ans alors qu'elle était en poste dans l'hôpital qu'il dirigeait à Dunkerque. Et cela après avoir été prise à plusieurs reprises à frayer avec d'autres occupants et notamment l'aide de camp de ce colonel. Ce qui lui avait valu d'avoir le crâne rasé comme quelques autres femmes ! Un épisode qui aura des conséquences puisque Pauline ne croira plus à la bonté de la nature humaine ni au grand amour, et qu'elle traitera les hommes comme ils l'avaient traitée, en faisant d'elle un personnage plus bas que terre. Elle n'avait que dix-sept ans en 1944 ! La famille DUBUISSON entendue après les faits sera néanmoins laissée libre.
Félix BAILLY, celui qu'on lui a reproché d'avoir tué en mars 1951 au terme d'une liaison passionnelle parce qu'elle avait été vexée qu'il la laisse de côté, l'avait demandé en mariage avant de donner un autre prolongement à son existence après que la jeune femme eut refusé de l'épouser. Peut-être pour rester encore un peu "une femme libre" et parce qu'elle avait l'impression de ne pas être celle que les BAILLY auraient voulu pour leur fils. On avait semble-t-il établi que la jeunette avait frayé dès son plus jeune âge avec les nazis et tout cela passait fort mal. Et puis Pauline qui était depuis son plus jeune âge une jeune femme délurée était-elle disposée à être la femme fidèle à laquelle Félix brûlait de s'allier, elle qui brûlait de poursuivre ses études de médecine pour devenir médecin et pédiatre ? Ce n'est pas certain. Le geste, bien qu'ayant été présenté comme un accident et une maladresse difficilement admise parce qu'il s'était tout de même agi de trois coups de revolver, dont un tiré dans le dos du jeune Félix ne parviendra pas à l'exonérer des charges retenues contre elle et la Justice la condamnera avec violence, retenant aussi contre elle ce passé tumultueux d'adolescente qui l'avait vue condamnée une première fois à avoir la tête rasée en 1944. On ne prendra d'ailleurs pas en compte sa tentative de suicide au gaz après son acte de femme désespérée. La froideur de l'accusée, qui avait tant choqué les observateurs du procès, était surtout, dira t-on après coup, un mécanisme de défense. Celui d'une femme qui, élevée dans une famille de militaires, avait appris à cacher ses sentiments et à endurer en silence. Ce matin de Mars, il est probable que Pauline n'avait pu accepter que son ancien petite ami se fiance à quelqu'un d'autre. Dramatique prolongement de ce malheureux drame passionnel, le père de Pauline, André, se suicidera dans sa maison de Malo-les-Bains quelques jours plus tard ne pouvant admettre que sa fille, seule héritière en vie d'une famille qui s'était toujours comportée avec honneur, soit compromise dans un tel scandale.
Emprisonnée de longs mois à La Petite Roquette, elle tentera à nouveau de mettre fin à ses jours en se tailladant l'un de ses poignets avec l'aide d'un verre. On dira qu'elle avait voulu fuir le procès à grand spectacle qui l'attendait et qu'elle redoutait face à une foule déchaînée, écrivant avant son geste de désespoir une lettre au Président du tribunal pour justifier son choix. Cette "femme libre" que l'avocat général LINDON n'hésitera pas à présenter comme une hyène sera condamnée à une lourde peine de prison et à des travaux forcés elle ne parviendra à sauver sa tête que grâce à la présence d'une femme parmi le jury des Assises. Malgré une plaidoirie elle aussi assassine de René FLORIOT qui ne la ménagera guère. Ne s'agissait-il pas d'un assassinat prémédité pour l'accusation ? En prison, Pauline, à la personnalité si décriée au dehors, sera unanimement appréciée des détenues et des religieuses et elle se liera d'amitié avec Sylviane, qu'elle surnommera Sapho en raison de ses préférences pour les femmes. Pauline y tiendra la bibliothèque et elle y donnera des cours, devenant durant sa détention une détenue modèle. Libérée pour bonne conduite en 1959, elle tentera de reprendre ses études de médecine mais rattrapée par son destin au Maroc où elle s'était enfuie pour échapper à la presse et au film de BARDOT s'inspirant de son histoire, elle se suicidera en septembre 1963 en avalant une forte dose de barbituriques. Alors qu'elle avait envisagé épouser un ingénieur pétrolier, c'est un article paru dans le journal Détective qui la confondra, mettant fin à ses espoirs de vivre "une vie normale". On reconnaîtra quelques années plus tard que Pauline DUBUISSON avait eu un traitement médiatique puis cinématographique injuste, malgré son crime.
L'un de ces auteurs, Philippe JEANADA reviendra sur cette histoire dans un livre, La Petite Femelle, paru en 2015 chez Julliard.
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